L'ego.... s'éveille-t-il?
L'éveil ! Voilà un sujet qui fait parler de lui abondamment jusqu'à susciter de nouveaux apôtres, propagateurs, prêcheurs, adeptes et prosélytes avec leur cortège de disciples, fidèles adhérents et séides. Comment s'éclairer, ne pas être un navarin conduit à l'abattoir de l'ineptie, de la crédulité, de la superstition, de la naïveté ?

Actuellement, des expériences - soulignons le fait qu'il s'agit de « faire une expérience » - à caractère « mystique » ou du type « vécu océanique » sont à l'origine de courants qui se réclament de la spiritualité - à tort ou à raison. Le plus souvent, ces néo-courants « de pensée » ou « spirituels » s'appuient sur la doctrine de la non-dualité mais aménagée à l'occidentale, comme en son temps, la doctrine juive a été aménagée en chrétienté.
A chacun de faire son examen de conscience, notamment en appliquant le sage conseil du Bouddha que nous rappelons : « Il ne faut pas croire une chose simplement parce qu'on l'entend dire ; ni croire aux traditions parce que transmises depuis l'antiquité ; ni croire aux rumeurs en tant que telles ; ni aux écrits des sages, parce qu'ils les ont écrits ; ni aux imaginations inspirées pensons-nous par un Deva, (ou toute autre source supposée spirituelle) ; ni aux conclusions tirées de quelque supposition faite par nous au hasard ; ni croire une chose parce qu'elle semble devoir être vraie par analogie ; ni croire sur la simple autorité de nos maîtres et instructeurs. Mais nous devons croire la chose écrite ou parlée, ou la doctrine, si elle est corroborée par notre raison et notre propre conscience.
C'est pour cela que je vous ai appris à ne pas croire simplement parce que vous l'avez entendu dire ; mais quand vous croyez avec votre conscience, alors agissez en conséquence et abondamment. »
Nous trouvons deux approches principales de ce « vécu océanique ».
En premier, la définition du Dictionnaire de la Psychiatrie des éditions du CILF :
« Sentiment océanique (vécu océanique)
1. Reviviscence d'affects agréables liés à des "souvenirs" de la petite enfance et de la fusion symbiotique avec la mère.
2. Dans une dynamique de secte, englobement du sujet dans "le grand tout" après sa mise en état de réceptivité, l'abandon de son autocritique, une identification massive au gourou et au groupe, et un retour à des vécus très archaïques.
Cette adhésion absolue à des éléments doctrinaux que l'on peut qualifier de psychotiques devient fréquemment chronique. Des crises graves ne sont pas rares, pouvant atteindre le suicide collectif.»
En deuxième, la définition appartenant au courant de la spiritualité laïque : « Au fond, c'est ce que Freud décrit comme « un sentiment d'union indissoluble avec le grand Tout, et d'appartenance à l'universel ». Ainsi la vague ou la goutte d'eau, dans l'océan... Le plus souvent, ce n'est qu'un sentiment, en effet. Mais il arrive que ce soit une expérience, et bouleversante, ce que les psychologues américains appellent aujourd'hui un altered state of consciousness, un état modifié de conscience. Expérience de quoi ? Expérience de l'unité, comme dit Swami Prajnanpad : c'est s'éprouver un avec tout. Ce « sentiment océanique » n'a rien, en lui-même, de proprement religieux. J'ai même, pour ce que j'en ai vécu, l'impression inverse : celui qui se sent « un avec le Tout » n'a pas besoin d'autre chose. » (André Comte-Sponville)
On pourrait concilier ces deux approches en invoquant Carl Gustav Jung qui a noté le surgissement dans la sphère consciente d'archétype(s) appartenant à l'inconscient collectif, surgissement pouvant conduire à des troubles psychiques voire à la folie, si l'ego n'arrive pas à intégrer cette expérience ou au contraire, si l'intégration se fait, à un progrès notoire dans le processus d'individuation.
Bien que comme a écrit Baudelaire : « La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu'il n'existe pas », il n'est pas inutile de reprendre les mots de René Guénon : « Assurément, il n'y a pas besoin de faire intervenir le diable pour expliquer de semblables productions, qui sont tout à fait à la hauteur de la « subconscience » humaine ; s'il consentait à s'en mêler, il n'aurait certes aucune peine à faire beaucoup mieux que cela. On dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien ; il est vrai, pourtant, qu'il ne peut s'empêcher de laisser échapper quelque sottise, qui est comme sa signature ; mais nous ajouterons qu'il n'y a qu'un domaine qui lui soit rigoureusement interdit, et c'est celui de la métaphysique pure (L'erreur spirite ; chap.X : La question du satanisme - p. 301-328
C'est ce que nous rappelle les tentations de
a) Siddhartha Gautama par Māra (littéralement « mort ») l'esprit tentateur qui essaya d'empêcher Gautama d'atteindre l'éveil : Alors que Gautama demeurait assis sous l'arbre de la Bodhi jusqu'à atteindre l'illumination, Māra, le malin, le tentateur, envoya ses filles pour le séduire en dansant - mais Gautama n'ouvrit guère les yeux ; les filles disparurent.
b) Jésus : ((Tentation de Jésus-Christ (Matthieu 4.1-11))
1 Puis Jésus fut emmené par l'Esprit dans le désert pour être tenté par le diable.
2 Après avoir jeûné 40 jours et 40 nuits, il eut faim. 3 Le tentateur s'approcha et lui dit: «Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains.»
4 Jésus répondit: «Il est écrit: L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.»
5 Le diable le transporta alors dans la ville sainte, le plaça au sommet du temple
6 et lui dit: «Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas! En effet, il est écrit: Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet et ils te porteront sur les mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre.»
7 Jésus lui dit: «Il est aussi écrit: Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton Dieu.»
8 Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire 9 et lui dit: «Je te donnerai tout cela, si tu te prosternes pour m'adorer.»
10 Jésus lui dit alors: «Retire-toi, Satan! En effet, il est écrit: C'est le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras et c'est lui seul que tu serviras.»
11 Alors le diable le laissa. Et voici que des anges s'approchèrent de Jésus et le servirent.
A suivre, propos sur l'éveil ...