Réflexion sur l'éveil
« Éveil » « éveillé », voilà des mots qui, à n'en pas douter, éveillent pas mal d'intérêt, de curiosité, d'attrait vers des doctrines, des théories, des systèmes de pensées entraînant à leur suite quantité de commentaires par les nombreux adhérents qui s'en nourrissent.
Mais qui s'éveille, quoi s'éveille, et s'éveille à quoi, à qui ?
Commençons par un détour vers le dictionnaire et voir ce qu'il nous apprend. Bien sûr, il s'agit de l'action de s'éveiller. Plus avant, c'est l'action de se révéler, de se manifester comme lorsqu'on parle de l'éveil de l'intelligence. Là nous voyons qu'il s'agit de rendre effectif une disposition qui ne demande qu'à se développer. Mais par rapport aux attitudes mentales, il s'agit aussi de s'ouvrir à un domaine, un art, à la spiritualité, bref à quelque chose. Et enfin dans une relation à l'autre, il s'agirait d'éveiller une possibilité, de faire naître une disposition et, vu notre sujet, il n'est pas interdit de se référer à l'initiation, en particulier dans le domaine spirituel.
Il s'agit donc d'une façon générale, de faire éclore une capacité, une disposition, une aptitude : il y a une semence, et l'on met en œuvre les conditions de sa germination.
Et bien que vieilli, « avoir l'éveil » (de/sur quelque chose) pointe aussi vers la vigilance puisqu'il s'agit d'avoir son attention dirigée sur ce quelque chose..
Comme expliqué largement dans mon livre (Le Postulat de la Métaphysique), ce qui est mobilisé c'est la fonction spirituelle que l'on pourrait appeler « âme, raison supérieure, buddhi, ... » qui est éveillée ou qui s'éveille selon le point de vue pris : comme une semence, les conditions étant favorables, la germination se fait.
Cet éveil de la fonction spirituelle est la prise de conscience que l'on est une singularité (ne pas confondre avec la prise de conscience que l'on est un individu parmi d'autres), que notre individualité est une création de l'univers mais qu'en même temps je ne suis pas défini par cette individualité, que je suis plus. Et ce plus est généralement vu comme « âme », « vie », elle-même donnée par « Dieu » ou équivalent selon les cultures, les systèmes de la spiritualité.
C'est le premier degré de l'éveil spirituel lié à la fonction spirituelle et conduisant le plus souvent à la foi, voire à une quête spirituelle.
Peuvent venir ensuite se produire des expériences dites d'éveil liées, modelées par la nature de l'individualité quant à l'intensité, à la durée. C'est une rencontre avec le Je indéfini, c'est une prise de conscience, une prise de la conscience par la connaissance de n'être pas réduit à l'individu, et même, l'individualité semble « disparue » donnant ce sentiment de n'être rien : « je ne suis rien ». Le « centre du Je » s'est déplacé vers l'expérience d'éternité, d'infinitude. Attention, ce « rien » pointe vers le fait que l'on n'est rien en dehors de la Réalité absolue mais l'on reste un attribut de cette Réalité. Ce sentiment, cette perception est liée aussi à l'impossible, le Néant absolu qui n'est effectivement rien.
Puis, il y a le retour à la multiplicité mais avec le regard de l'expérience de l'éternité.
Il y a alors, le souvenir de l'état océanique mais bien vivant en soi. Peut-être y aura-t-il un va et vient d'un état à l'autre, celui de l'individualité et celui de l'Infini. Et certains s'installeront dans un état stabilisé d'aller et de retour. Et plus rare encore, quelques uns auront et garderont une « vision » stable des deux plans tout en ne percevant plus autre que la Réalité absolue.
Il s'agit de faire et de laisser éclore une capacité, une disposition, une aptitude : la fonction spirituelle. La floraison de la spiritualité authentique, vivante, vécue, est un essor, une exaltation vigilante vers l'Absolu, vers Cela qui EST, une ouverture toute intérieure de l'Absolu, de Cela qui EST et dont je ne suis pas séparé.
C'est l'entrée dans la Voie, dans la Vie.
C'est là une expérience partagée par beaucoup mais qui demande à être cultivée, soignée si l'on ne veut pas voir cette ouverture se fermer petit à petit.